Tenter d‘appréhender le monde de 2050.

Voilà près de 30 ans que je travaille sur les questions de conflictualité dans le monde, plus particulièrement dans le « Sud émergeant et turbulent ». J’ai œuvré successivement dans la sphère publique puis dans le secteur privé, rédigeant par ailleurs quelques ouvrages sur le sujet au fil du temps. Me voilà nanti d’un certain regard, je n’oserai employer le terme « expertise », sur les causes et les logiques profondes qui incitent nombre d’individus à travers le monde, à recourir à la force pour satisfaire divers buts (vaguement politiques, purement idéologiques, bassement matériels, ou une combinaison de tout cela). Pour ce faire, nombre d’entre eux font preuve d’une grande capacité d’innovations et d’ingéniosité en la matière, conduisant certains à reculer toujours plus loin les frontières de la violence, de l’horreur, et parfois de l’indicible.

Les hasards de mon évolution professionnelle m’ont conduit à effectuer ces derniers mois quelques travaux en matière de prospective pour tenter d’appréhender, si faire se peut, le monde à l’horizon 2050. Ces exercices d’anticipation ont généré en moi ce que l’on pourrait appeler un « vertige intellectuel » face aux bouleversements qui apparaissent plus ou moins prédictibles et à leurs effets induits, laissant entrevoir un large spectre de « possibles », pour l’essentiel plutôt sombres pour la grande majorité de la population humaine. Mais ce qui m’a le plus émoussé est sans nul doute la difficulté qui prévaut à appréhender correctement la signification et l’ampleur des changements qui s’annoncent, alors que les indices se multiplient et que des brides d’un avenir bien incertain (et bien instable) commencent à transparaître ponctuellement dans notre actualité quotidienne, sous la forme d’un énième phénomène météorologique « exceptionnel », d’une nouvelle péripétie spatiale, d’un nouvel épisode du bras de fer sino-américain pour le leadership mondial, de l’annonce d’une innovation technologique prometteuse ou de l’observation de nouvelles pratiques sociales. Une sorte de blocage psychologique, ce que l’on pourrait appeler un « biais de normalité », nous empêche, moi le premier, de tirer les conclusions logiques d’une avalanche de faits laissant augurer des temps beaucoup moins rieurs que ce que ma génération de baby-boomers a connu pratiquement tout au long de son existence.

Mon objectif est de tenter, avec humilité et toute l’objectivité que m’offre ma subjectivité forgée à partir de mon expérience professionnelle, de penser « géopolitiquement » ces bouleversements, en cherchant à m’affranchir d’une approche trop « occidentalo-centrée » (trop souvent dominante dans les travaux de cette nature) et en espérant – très sincèrement pour les générations à venir – faire fausse route et me tromper lourdement. Loin des lendemains enchanteurs ponctués de voitures volantes, d’imprimantes 3 D, de « gentils » robots  anthropomorphes, de smartphones « XG » toujours plus performants, d’énergie à profusion et de métavers plongeant les individus connectés dans des réalités virtuelles tout aussi addictives que récréatives, je redoute que ce monde à venir n’offrira – du moins pour la grande majorité de l’humanité –  que « du sang, du labeur, des larmes et de la sueur », pour paraphraser la célèbre maxime de Winston Churchill prononcée lors de son premier discours devant la Chambre des communes en tant que Premier ministre, le 13 mai 1940.

Pour la grande majorité des êtres humains, 2050 peut déjà s’entrapercevoir par les conditions de vie prévalant déjà de nos jours dans les grandes banlieues des mégalopoles de Lagos, Kinshasa ou New Delhli, entre fort taux de pollution, pénurie chronique de flux vitaux (électricité, eau, argent) et dysfonctionnement chronique des services de base nécessaires à satisfaire les besoins standard de la vie quotidienne. Le pire n’est jamais sûr mais les tendances qui émergent dans de nombreux domaines (et que ce blog entend mettre en lumière) et l’aveuglement d’une grande partie des actuels cercles dirigeants face aux multiples ruptures qui se profilent (encore récemment démontré par le maigre bilan de la COP 26 à Glasgow) incitent à considérer l’échéance de 2050 sous la forme d’horizons bien incertains.





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